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"Les nuits blanches du Chat Botté " de Jean-Christophe DUCHON-DORIS

« Les nuits blanches du Chat botté » de Jean-Christophe DUCHON-DORIS vu par Monique BECOUR

Jean –Christophe DUCHON- DORIS nous présente lui-même son livre et l'ensemble de son œuvre. Après des très sérieuses études de Droit, il enseigne puis, ancien membre de la magistrature en criminalité, il se lance dans l'écriture. Ses goûts et ses écrits portent sur des époques qui vont de celle de Louis XIV jusqu'à la période napoléonienne. Il aime beaucoup aussi la période du Baron Hausmann qui transforma Paris.

«  Les nuits blanches du Chat botté  » est un « serial killer », fin XVIIe siècle, sous Louis XIV avec quelques scènes érotiques « demandées par son éditeur », précise-t-il. Nous avons passé une matinée jubilatoire, rare, exceptionnelle, malgré la réticence voilée au début de certains participants et même d'un lecteur « gêné des descriptions fortement érotiques» ! Les femmes non conventionnelles donnent un aspect que ne renieraient ni Catherine Millet ou Christine Angot : « que du vécu » entouré d'obscurantisme et de crimes.

Notre auteur, historien amateur, inspiré et attiré par les « Contes de ma Mère l'Oye  » et par « les Contes de Charles Perrault  » a travaillé préalablement sur une riche documentation archivée mais, précise-t-il ce livre est une pure construction littéraire sur des dossiers morts. J'ai formulé le souvenir de «  la Psychanalyse des Contes de Perrault  » écrite par Mr SORIANO , psychanalyste, un ancien professeur dont effectivement JC. DUCHON DORIS s'est inspiré. « La Vallée de la Rivière Blanche » aux environs de Seyne-les-Alpes, en Octobre 1700 constitue le cadre du livre,à la fin du règne de Louis XIV. Toute une nouvelle société intermédiaire se lève, dont fait partie le nouveau Procureur de Seyne, Guillaume de Lautaret, enquêteur, escorté des dragons et des gens d'armes, qui a assisté, préalablement à des procès en sorcellerie. Précisons ici que la sorcière mature «  avec des hanches larges et chaudes comme des soupières fumantes » (p.48) est traitée, avec ironie, (les meilleures soupes etc…) comme une « bimbo » érotique. Le lecteur devine la sorcellerie sous jacente à la façon dont les personnages sont insérés dans le ciel et les phénomènes naturels. Notre chevalier blanc va mener une enquête criminelle serrée : il hume l'air ambiant, mais l'angoisse des lieux emprisonne et empêche le héros d'avancer ; les crimes de jeunes filles, d'un homme ayant chacun un vice caché, sont au coeur de la psyché humaine en rapport avec chaque conte de Perrault, le loup deviné mais omniprésent est un personnage mythique comme «  la bête du Gévaudan  » qui sous-tend l'œuvre et les hommes criminels en arrière fond. Guillaume de Lautaret «  lève les yeux au ciel   pour ouvrir sa psyché, vers la métaphysique  » nous dit Duchon-Doris afin de donner toujours un arrière-plan fantastique aux scènes décrites (ciel, lune, feu, les couleurs rouges déclinées, l'objet cinématographique au travers de l'érotisme fait partie du couple très réussi, gros plans de scènes fortes, balayage, feed back, fondu enchainé etc.). Notre écrivain utilise des procédés littéraires empruntés au cinéma et à la télévision. Il nous dit qu'Elie Chouraki a acheté les droits pour un film futur ? Trois scènes érotiques : G de Lautaret qui pratique sur la Naïsse «  la question de l'époque» , interrogatoire qui n'est pas, « une fouille au corps », une autre scène aux dimensions sadiques entre Delphine l'héroïne, la pure donzelle aux prises avec les bergers, qui s'émancipe ensuite avec notre beau chevalier blanc dans le moulin. Notre auteur a voulu un « roman d'émancipation mais regrette un peu, poussé par l'éditeur, cette dernière scène  » ; il insiste « il a voulu garder une dimension poétique dans un roman policier, avec un ancrage dans la réalité historique ».

Il ne s'agit pas seulement d'un héros au sens moderne : sont mis en scène des axes religieux à travers deux châtelaines (la mère et la marraine jansénistes) : l'auteur nous précise qu'il y eut tentative de jonction entre protestants et jansénistes d'où cette confrontation . La clé psychanalytique est donnée par Bernadette, la fille du premier Consul, « la non séduisante ».

Comme dans un roman de « la nouvelle vague », nous décelons la perversion du regard dans les scènes violentes. Octobre 1700, nous sommes en avance sur Sade, mais Gilles de Rais est antérieur.

Jean-Christophe DUCHON-DORIS a obtenu le « Goncourt de la nouvelle » avec «  Lettres du Baron  » en 1994 ; la série des enquêtes de G. de Lautaret se poursuit avec « l'Embouchure du Mississipi  » et «  Les Galères de l'Orfèvre  ». Dans son dernier livre «  La fille aux pieds de la Croix  », il va vers une quête mystique. Il projette son prochain livre sur Charles Martel qui assiégea Marseille, en 737, les Marseillais ayant choisi les Sarrasins et non les Francs et la propagation du christianisme : A SUIVRE…