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"La conspiration " de Paul NIZAN

"Foutue jeunesse , foutu siècle que le Vingtième". Nizan avait tout perçu et tout compris : la vie volée, l'errance et la mystification. Ou comment les adultes qui cherchent à sauver leur peau et leurs rêves prennent en otage les jeunes qu'ils trahissent à la sortie de l'enfance .

Trahison! a crié Nizan à ceux qui voulaient l'entendre, ceux des années 30, les Rosenthal et autres qui ont conspiré et qui ont ...raté . Ceux peut-être des années 68 qui n'ont peut-être pas fait mieux. Et aujourd'hui que reste t-il de Nizan ?

La lucidité implacable , l'ironie distante, l'écriture, certains ont dit stendhalienne. Je dirai "nizanienne" , poétique et réaliste. Loin de n'être qu'un exercice de "Normale sup". Et puis même ...si c'est çà le style Normale Sup alors on en redemande et Nizan pour cette raison supplémentaire nous manque encore plus .

Christian BAILLON-PASSE

Mais ..."

Comme toujours à DIRELIRE, les échanges allaient bon train. Sous le feu croisé des témoignages de lecture, des avis longuement mûris, des compétences affirmées, "La Conspiration" de Paul Nizan livrait sans trop de résistance ses derniers secrets. Un chef-d'oeuvre, pas moins. "C'est la peinture sans complaisance d'un monde qui s'éloigne de nous". "C'est le grand roman de la trahison." "C'est un beau chant désespéré." "Comment, vous n'avez pas reconnu un tel? Et un tel?" Toutes ces clés faisaient, il est vrai, un bien joli trousseau.

Et le style. Ecoutez plutôt: "Des femmes en noir causaient sur le pas de leur porte, des paysans rouges et bleus poussaient des ânes devant eux..."

C'est alors que le lecteur grincheux du fond de la salle demanda la parole. Cessons, dit-il, cette admiration de complaisance pour un style qui, à tout prendre, est assez terne et assez plat. Les quelques morceaux de bravoure qui encombrent le récit, sentent l'écriture appliquée et laborieuse d'un écrivain qui en fait trop.

Quant au livre lui-même qu'en reste-t-il, débarrassé de tout son appareillage référentiel (Normale Sup, le Parti, Sartre...) sinon quelque chose qui hésite entre le roman, l'essai, le manifeste, l'autobiographie et dont la construction assez lâche ne parvient pas à constituer un ensemble convaincant. Voyez cette pauvre histoire avec Catherine. Ayons l'honnêteté de n'y voir qu'une bien plate aventure.

Quand on pense, ajouta le lecteur grincheux, que la même année paraissait "La Nausée", on mesure ce qui sépare un grand livre d'un petit.

Conscient d'avoir exagéré son propos et d'avoir un peu trop chargé la barque, le grincheux se tut et se promit de relire dans de meilleures dispositions, "La Conspiration".

Michel BOUDIN

 

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