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"La poésie grecque contemporaine " par Thérèse DUFRESNE | |||
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La poésie grecque du demi-siècle dernier naît dans la guerre civile. Si la répression fut sans pitié, elle épargna pourtant à ce pays déjà détruit au moins quarante ans de dictature stalinienne. Puis la Grèce subit les sept années de malheurs des colonels putschistes, dont les cicatrices se creusent encore dans la mémoire ou l'imaginaire des poètes nouveaux. Mais la mort d'une illusion n'efface pas les vrais morts. Une tragédie toujours succède à l'autre comme la guerre mondiale avait succédé à la débâcle des Grecs d'Asie Mineure. Ces strates se mêlent à des réminiscences byzantines, à des chants d'exil, aux déchirements personnels... «Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse», écrivit Georges Séféris. Il est l'un des deux Nobel grecs, l'autre étant Odysseas Elytis. Ils sont à la charnière du siècle. Comme aussi Nikos Engonópoulos. Influencés par le surréalisme, de culture ouverte sur le monde, traducteurs, ou peintres comme ce dernier, ils partagent une foi que leur œuvre a su transmettre, leur foi dans la pérennité de la langue grecque, cette «humble masure sur les plages d'Homère» (Elytis). Andrée HAGEGE présente Thérèse DUFRESNE, poète et traductrice de grec moderne, qui va donner un aperçu succinct de la poésie grecque contemporaine avant de présenter le poète grec Andreas PAGOULATOS, le lundi 3 avril 2006 à 17 h 30 à La Samaritaine à Marseille.
Devant un public restreint, mais de qualité, Andrée HAGEGE présente la poète Thérèse DUFRESNE, membre du P.E.N. (Poète, Essayiste, Nouvelliste) Club Français, et traductrice de poètes grec(que)s contemporain(e)s. Elle rappelle que son parcours, dès l'adolescence, est marqué par la poésie. Des raisons familiales graves lui firent renoncer à des études littéraires. Devenue chimiste puis ingénieure, elle n'abandonne pas l'écriture (poésie, nouvelles, notes, etc…) et plus tard, son goût du théâtre (elle suit deux ans de cours au TNP, chez Charles DULLIN). Enfin, la retraite bienvenue, sa poésie prend corps, elle est éditée, ainsi que de plusieurs essais concernant des poètes contemporains. Andrée HAGEGE fait remarquer par de nombreuses lectures de poèmes choisis dans chaque recueil édité, que ceux-ci ont eu des appréciations de plusieurs poètes et personnalités littéraires marquantes. Elle donne ainsi à comprendre, et à faire ressentir l'univers de la poésie de Thérèse DUFRESNE. Instances d'aube parait en 1999 chez LA BARTAVELLE. Cette quête de soi, du monde, et de l'amour, où nature et humains, absence et silence se répondent est une sorte d'épure marquée de surréalisme, comme, à des degrés divers, ses autres recueils : « Ouvre sur la transparence du jour/rosée aux terres tranquilles/impalpable envolée d'oiseaux de passage/… /ouvre la porte d'aube ». Un champ sans limite (EDITINTER, 2004) conjugue par une perception en incessant éveil « l'intermédiaire », « Voyages » ou « ni le départ/ni l'arrivée ne comptent », ou l'amour est haussé « dans l'instant de l'écriture-vie ». Des « Dédicaces » complètent le recueil, nées de lectures ou de rencontres de poètes contemporains. Poèmes à Variations (EDITINTER, 2005) : les poèmes s'entendent tels des sonates à variations fruit de la connaissance de soi et de l'amour. Le rythme du souffle des mots façonne les poèmes et leur sens profond s'élève, célébration de la vie : « …/une seule île/un seul jardin/…/voyages de corps et d'encre/chants illimités/indicibles nuits/illuminées ». Ce recueil a fait l'objet d'une recension récente que vous trouverez après l'ensemble de cette présentation.
Thérèse DUFRESNE présente, en un bref aperçu, des poètes grec(que)s contemporain(e)s qu'elle a connu(e)s, qu'elle connaît, et dont l'oeuvre est le fruit de démarches exemplaires. Takis SINOPOULOS , poète disparu, a laissé une œuvre remarquable qui interpelle le monde des guerres, de la vie, de l'amour, face à l'issue de toute existence. Mando ARAVANTINOU, elle aussi disparue, livre avec ses poèmes et ses essais notamment sur JOYCE dont DireLire a eu connaissance, un travail intérieur riche en références aux grands mythes antiques. Nanos VALAORITIS, ancien professeur à l'université de San Francisco, s'exprime en grec et en anglais. Subtile, sa poésie s'irrigue d'une connaissance exceptionnelle de nombreuses civilisations anciennes et se pare de la finesse de l'humour. Kostas STATHOPOULOS, poète en pleine maturité et traducteur en grec de poètes français, dont moi-même, a publié plusieus recueils d'une écriture forte et architecturée. Le poète s'emploie à introspecter l'écriture elle-même dès l'aube du poème. Georges PAVLOPOULOS, poète paisible, ami du poète et Prix Nobel de Poésie, Georges SEFERIS, est aussi un proche. D'un lyrisme souvent allégorique, sa poésie noue et dénoue les fils de la vie au cœur de la quotidienneté et de ses songes. Le poète Andreas PAGOULATOS* fait ensuite l'objet principal de la présentation de Thérèse DUFRESNE. Elle donne à comprendre comment le poème d'une langue exige, pour être « traduit » dans une autre langue, une démarche de «mise à la place » de l'auteur afin de pénétrer son monde poétique sachant qu'il ou elle –le traducteur-poète- demeure poète avec son propre univers dont on ne peut faire totalement abstraction. Le poète Andreas PAGOULATOS travaille avec des vidéastes, cinéastes, musiciens, anime des revues de poésie telle Nea Syntelia, ainsi que des manifestations poétiques en Grèce. Son travail de recherche longtemps axé sur le langage dit «écriture glossocentrique » s'illustre avec le recueil Corps de texte que Thérèse DUFRESNE a traduit en français. Cette expérience demande à la fois une vision d'ensemble de l'œuvre, avec son rythme propre et une reconstitution de la matière poétique elle-même que conforte la lecture à haute voix dans les deux langues. Traduire relève d'une quête d'un absolu impossible. Thérèse DUFRESNEJuin 2006 Nb La présentation intégrale complète, en la reprenant, l'intervention faite en 1998 à Bordeaux à La Machine à Lire. EN VOUS LISANT… Par Jeanne MAILLET
Thérèse Dufresne , Poèmes à Variations (EDITINTER, 2005) Explicite, dès avant même d'aborder la lecture de ce recueil, nous parait être ce dessin de la page 55 : il représente une figure masculine modulée en lignes de mots ondulant, cheveux, yeux, bouche, cou, épaules formant un visage. Le script est fin, presque minuscule, à décrypter avec attention. Tout comme nous aurons à déchiffrer, les messages lancés par le poète au terme de saisissantes « variations» déroulées à partir d'un même « début » de texte ou, tout au moins, une image première. Car c'est bien d'un déroulement, sur plans successifs et comme glissés des images, qu'il s'agit ici. Que nous soyons embarqués, nomades, dans un éternel voyage, nous aurons à l'effectuer en cinq développements où les mots sont repris, intercalés, synonymes, allusifs, toujours avec une singulière et profonde originalité jusqu'à parvenir au but ultime , c'est-à-dire aux « Chants illimités indicibles nuits illuminées » Dans les autres « variations » proposées tout au long du livret, Thérèse Dufresne demeure bien « une passagère d'aube et de beauté » qui imagine sans cesse le parcours le plus beau (donc le plus difficile) pour atteindre des « terres parcelles à peine distantes » nimbées d'un poudroiement qui est l'or de la poésie-et de sa tempête-. Cela est beau. Parfois déconcertant et réclamant une belle disponibilité d'écoute et surtout de contact intuitif. Mais nous l'avons eu, ce contact spontanément. Parce que la magie en poésie n'a besoin de nulle explication, voyageons sur ces « Variations » ! Nb : cette recension est en cours de publication pour la revue de La Maison de la Poésie du Nord Pas de Calais à BENORY (62660).
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